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J’ai (presque) arrêté Instagram

Il y a un mois et une semaine, j’ai pris une décision radicale pour certains, nécessaire pour d’autres, mais avant tout inimaginable pour moi il y a quelques temps : j’ai arrêté Instagram sur mon téléphone. Chronique d’un arrêt et de ses conséquences à court et moyen terme.


Auteur : Daniel Bridgeland (@danydenden)


droits d'image : "OFFLINE-1200-2" by Electronic_Frontier_Foundation is licensed under CC BY 2.0.


Une habitude malsaine


Je ne suis absolument pas religieux et pourtant, en ce dimanche 29 janvier 2023, en ce jour saint pour certains et en ce jour de réveil brutal après une soirée pour d’autres, je me suis déconnecté de mon compte Instagram sur mon téléphone. Fini les reels sans fin, les publications de foot d’il y a trois jours que je revoyais pour la septième fois, fini les stories de mes abonnés pour lesquels je me demande encore pourquoi on se suit d’ailleurs (« Mais si gros ! On s’était croisé à cette soirée, tu t’en rappelles pas ? ») et fini le stalk aussi, qu’on fait tous mais qu’on assume beaucoup moins.


Le mardi 31 janvier, deux jours après m’être officiellement déconnecté, j’ai craqué une fois déjà : je m’y suis reconnecté pour checker une conversation et je m’y suis de nouveau brièvement perdu pendant cinq minutes avant de revenir à la raison (qu’est-ce que c’est dur !). On dirait que je suis en sevrage, que je suis accro à une drogue dure et que je vous fais des mises à jour dans mon carnet de bord depuis ma chambre dans un hôpital spécialisé, et pourtant je ne fais que vous parler d’un vice dont je peux parier qu’une grande partie de ceux qui liront ces lignes partagent aussi : le temps d’écran passé à regarder des conneries sur Insta, TikTok, YouTube, même Facebook, qui s’y met aussi maintenant. Ah oui, le pire dans tout ça c’est que je vais vous faire un article entier sur pourquoi il est important de réévaluer son rapport à nos téléphones et certains aspects néfastes de nos bons vieux réseaux sociaux, alors que je continue à aller sur Instagram entre 1 à 3 fois par jour sur mon ordi pour checker mes MP… Donc oui, là vous êtes en train de vous dire que je suis un gros mytho et au fond, on va pas se mentir, il est possible que d’ici la publication de cet article, je sois de retour sur Insta sur mon téléphone, surtout vu comment l’interface de la version web sur ordi est vraiment pas dingue du tout (peut-être un mal pour un bien justement) et qu’au lieu d’être productif et de faire quelque chose qui me tienne réellement à cœur, je sois en train de regarder des vidéos de foot, de fixie ou d’un truc que je ne connaissais pas et que l’algorithme me fera me découvrir (arrosoirs de jardin ?).


Sauf que depuis que j’ai arrêté (là on est le 12 février à l’heure où j’écris ces lignes), je commence à sortir de ce marasme et à me rendre compte de ce à quoi j’essayais tant bien que mal d’échapper. Malgré ces risques de rechute et mes manques de considération pour des règles que je me suis imposées, je pense que la symbolique de cet article est importante : vous aussi vous êtes capable de sortir de ce cercle vicieux du scrolling sans fin, dont on en est tous conscient au fond mais bon, aller, encore une ou deux vidéos de plus ça fera pas de mal… (si vous n’êtes pas dans ce cycle, alors déjà félicitation et surtout faites attention, on tombe vite dedans sans forcément s’en rendre compte – y’a deux semaines je passais une heure et demie par jour sur Instagram, maintenant il m’arrive de passer une demie heure à regarder des shorts sur YouTube : nous ne sommes à l’abri de rien [update du 28/02 : j’ai arrêté YouTube aussi, un nouvel article sur ça bientôt ?]).


Une prise de conscience sur les dérives des réseaux sociaux


Le déclic il a été simple : une vidéo sur YouTube, comme il en existe des milliers sûrement, qui a fait ressortir ce sentiment qui couvait en moi depuis ma période d’examens début janvier : je passe vraiment trop de temps sur mon téléphone. Cette fameuse notification le lundi matin, pour bien commencer la semaine, qui me causait presque de l’angoisse: « Votre temps d’écran a augmenté de XXX% cette semaine, pour une moyenne de… (au-dessus des quatre heures au moins) ». Puis tu vas dans tes paramètres, tu cliques sur « temps d’écran » et tu prends conscience que ça fait des semaines que tu passes trop de temps sur Insta. Bref, la vidéo en question c’est celle-là : « What happens to your brain when you mindlessly scroll ? » [« Que se passe-t-il à ton cerveau quand tu scroll sans fin ? »], https://www.youtube.com/watch?v=aNvvOQMx0jY&t=465s (un grand merci à la personne qui m’a envoyé cette vidéo d’ailleurs, elle se reconnaitra).


Dès la première seconde, c’est le choc : l’Américain touche en moyenne son téléphone 2600 fois par jour. La vidéo explique ensuite ce qu’il se passerait si d’un coup, d’un jour à l’autre, on arrêtait complètement d’utiliser notre téléphone. Alors je ne sais pas si vous vous imaginez, mais personnellement j’ai juste arrêté Insta et encore même pas à 100% vu que j’y vais 10 minutes par jour sur mon ordi, grand maximum (promis !). Au bout d’une heure : tu essayes de prendre ton téléphone, par réflexe. Personnellement les premiers jours je n’arrêtais pas de lancer l’application, puis je me disais « ah bah non je me suis déconnecté », et je fermais l’application. Mon cerveau était tellement habitué à effectuer cette action de lancer l’application qu’il continuait à actionner mes muscles. Là, deux semaines après, j’ai enfin arrêté de le faire, même si des fois en étant fatigué ça m’arrive d’encore le faire… Cet épisode que je pourrai presque qualifier de sevrage physique m’a fait faire le lien avec une autre vidéo que l’on m’a conseillé de regarder (merci à toi aussi, tu te reconnaitras) : « Comment TikTok a ba*sé le cerveau d’une génération », https://www.youtube.com/watch?v=FALDuZ5pPxc&ab_channel=L%C3%A9oDuff. Deuxième déclic. Léo Duff nous parle du cycle de la récompense et prend l’exemple d’une expérience sur des souris de laboratoire, qui deviennent totalement accro à un système qui leur donne un shoot de dopamine lorsqu’elles appuient sur un simple bouton. Et si TikTok avait justement créé ce bouton et avait réussi à le glisser dans notre poche ? Il s’agit aujourd’hui de la plateforme la plus addictive, sur laquelle on ne choisit même plus son contenu, on le consomme directement, sans utiliser notre conscience. Le réseau social est capable, en l’espace de quelques heures, de savoir qui on est et est donc dans la capacité de nous récompenser, en nous proposant les contenus à même de nous donner un shoot de dopamine… Ainsi, pour revenir à la première vidéo, une fois que l’on arrête d’utiliser l’outil qui nous permet d’accéder à cette hormone du bonheur, toute activité qui ne recrée par ce cycle de la récompense va nous sembler non seulement moins bien, mais aussi plus longue. Je me suis moi-même retrouvé à proposer à des gens de regarder des vidéos marrantes sur Instagram au bout d’un moment en leur compagnie, devenant de plus en plus incapable de profiter du temps avec eux sans devoir utiliser un écran, en quête d’un shoot de dopamine, qui sera encore plus gros que les autres, surtout si la récompense est d’arriver à faire rire d’autres personnes.


Au bout de 12h sans téléphone, les communications neuronales de notre cerveau sont déroutées, par manque de scrolling, et le circuit de la récompense laisse place à de l’anxiété. J’ai presque envie de dire : heureusement que je n’ai arrêté Instagram qu’à moitié, car je n’ose pas imaginer ce que ça doit faire de ressentir de l’anxiété parce qu’on arrête d’utiliser un téléphone et ça me paraît insensé de ressentir des effets similaires à un sevrage d’alcool ou de drogues, pour un objet tellement essentiel de notre quotidien. Pourtant, je ne sais pas ce qui est le mieux entre ressentir de l’anxiété pendant quelques jours, ou bien, lisez bien ce qui va suivre, parce qu’elle est là la vraie claque de cet article : perdre des capacités cérébrales pour toujours, comme me l’a attesté la seconde vidéo. Une exposition prolongée à la dopamine tue nos cellules cérébrales et contribue à une réduction de la largeur de notre ‘bande mentale’ ; nous sommes donc moins en capacité de prendre une décision et donc nous perdons aussi certaines capacités de concentration. Ça vous l’aviez surement remarqué non ? Personnellement je lançais toujours Insta au bout d’un moment quand je m’ennuyais – maintenant je fais pareil mais avec toutes les autres applications sur mon téléphone, ce qui montre les conséquences profondes qu’a eu l’utilisation de mon téléphone sur mes capacités cognitives. Moins le cerveau est capable de prendre des décisions et plus il va vers ce qu’il connait déjà et dont il sera sur d’en retirer une quelconque forme de plaisir. Oui, vous l’avez deviné, il retourne vers le scrolling et donc on assiste à un cycle qui crée des réactions chimiques au sein de notre cerveau, et donne une dimension extrêmement malsaine à cet algorithme du contenu sans fin sur les réseaux sociaux, qui s’y développé ces dernières années, dans un but purement lucratif pour les startups américaines en plus. TikTok compte un milliard d’utilisateurs actifs, dont une grande partie n’a pas plus de 25 ans et donc dont le cortex préfrontal n’est pas encore totalement formé et donc qui s’en retrouvera impactée à vie.


24 heures sans téléphone : on commence à vivre ce qu’on appelle en anglais FOMO : ‘Fear of Missing Out’ [la peur de rater quelque chose]. Je l’ai ressenti au début, même en continuant à aller sur Insta 1 à 2 fois par jour. Vu que je base une partie importante de mon activité sociale sur les réseaux, pour communiquer avec mes amis qui vivent dans pleins d’endroits différents (un gros big up), je me retrouve à passer beaucoup de temps à parler par messages interposés et donc forcément, en attendant une réponse, je me regarderai bien un petit reel, non ? C’est l’aspect le plus dur de l’arrêt je trouve, on a l’impression de ne plus faire partie du truc, j’ai l’impression d’être moins au courant de ce que mes potes font et plus généralement de souffrir d’un manque d’accès à l’information (alors que pas du tout en plus…). Selon la première vidéo, le FOMO peut augmenter les battements du cœur, la tension et l’anxiété, et donc représente encore une conséquence physique d’un arrêt du téléphone.


Des effets positifs sur le long terme


Bonne ambiance en tout cas d’arrêter les réseaux. Après, je ne vous ai pas parlé des effets positifs, que je commence déjà à ressentir. La première vidéo fini par prendre une tournure beaucoup plus sympathique et on sort sans trop de séquelles de cette dépendance à nos téléphones, au bout de quelques semaines. Personnellement, ça fait deux semaines maintenant que et j’ai notamment pu prendre du recul par rapport aux réseaux et j’ai pu identifier certains problèmes clairs (vu que j’en ai vu les conséquences sur moi). Arrêter ne serait-ce qu’en partie m’a aussi permis d’un peu sortir de toute cette machination, alors que pourtant je fais partie d’une minorité qui (je ne sais pas pourquoi d’ailleurs) n’a absolument aucune publicité sur son compte Insta ! Je ressens aussi de la fierté, car je me dis que c’est possible d’arrêter de regarder des conneries sur les réseaux tous les jours, même s’il va vite falloir que je désinstalle YouTube de mon téléphone bientôt. C’est à double-tranchant et c’est surtout là qu’on voit tout l’effet pervers de ce que sont devenus les réseaux sociaux aujourd’hui : peu importe celui sur lequel on se trouve, on finira toujours par tomber sur le même genre de contenu, les vidéos sont repostées d’une plateforme à une autre et j’ai revu ce post de foot d’il y a trois jours pour la huitième fois, ça suffit maintenant ! Le cycle recommencera, et le cortex préfrontal se dira « aller c’est reparti, j’adore la dopamine ».


En tout cas, cette expérience, bien qu’elle ne soit même pas allée jusqu’au bout, m’aura permis de développer un regard critique sur tout cela. Cela m’a permis de réfléchir et de demander si j’étais capable de faire une journée entière sans utiliser Instagram sur mon téléphone (on compte pas les dix minutes de triche sur ordi, même si au début j’attendais presque ce moment avec impatience… encore cette fameuse dopamine…). À voir ce qui me convainc le plus entre me dire que je peux potentiellement souffrir d’un impact à long terme d’une trop grande exposition aux réseaux sociaux, ou bien le fait que je peux enfin m’extraire de ce phénomène vers lequel on tend et qui semble avoir happé une grande partie des générations en-dessous de la mienne. Après un mois et une semaine sans beaucoup utiliser Instagram, avec quelques petites rechutes de temps en temps mais une (re)prise de conscience rapide, je peux dire que mon rapport aux réseaux sociaux est légèrement plus sain. Sur ce, je m’en vais créer un compte TikTok.


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